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« Dieu, personne ne l’a vu » dit l’écriture. Mais à Vézelay on peut deviner sa présence plus que nulle part ailleurs. Ou, si comme le dit Etty Hillesum, il y a un peu de Dieu dans la neuvième symphonie de Beethoven, il y en a aussi dans cette EXCEPTIONNELLE basilique de Vézelay.

Me voici donc à Vézelay et mon arrivée hier midi restera le moment le plus fort de mon pèlerinage. Pourtant la journée avait mal commencée : parti à 7 heure de Joux-la-ville, à 25 km de Vézelay, ou j’étais hébergé par des agriculteurs, j’avais mal aux épaules, des courbatures dans les jambes et je marchais sur une nationale fréquentée par les camions sous une chaleur de bêtes. J’ai fait les 25 km quasi d’une traite, en maugréant. Au pied de la butte je me suis arrêté pour prendre un café, j’ai discuté un peu au bar-tabac. En repartant, la basilique en point de mire, j’ai éprouvé une très grande joie et j’ai eu les larmes aux yeux.

Après la riche champagne viticole (on dit que à Epernay se trouve la rue qui paie le plus d’impôts en France), après les mornes plaines cultivées de la Champagne crayeuse, je suis donc en Bourgogne et ses collines boisées. Près de Chablis j’ai passé quelques heures avec un couple d’enseignants avec lesquels le courant passait très bien (j’ai remarqué que les enseignants étaient souvent les plus sympas et les plus ouverts) : on a bu des bières à l’ombre d’un pommier en mangeant des pèches de leur jardin. Après les avoir quittés, j’ai pensé à eux pendant quelques jours, mais je ne les reverrai sans doute jamais et c’est un peu frustrant. J’ai logé chez un paysan retraité qui a fait le pélé deux fois avec un âne. Il m’a dit qu’il logeait souvent à la belle étoiles. Quand j’ai parlé du problème de la douche il m’a dit qu’à son époque il n’y avait pas de douches et puis qu’en France on trouvait toujours un ruisseau pour se laver. J’ai discuté aussi avec un paysan, copie conforme de Pierre Beckers (pour ceux qui ne le connaisse pas, imaginez un paysan profondément gentil et simple, tout droit sorti d’un roman de Tolstoi), et finalement toutes ces rencontres sont des plus enrichissantes.

« Quel profit tire l’homme de ses œuvres sous le soleil ? », demande le Qohélet. En pensant à ce texte (Qohélet 1), qui en quelque sorte m’a fait partir, j’ai compris que c’était un appel au détachement. Sans dédaigner le bonheur terrestre, le Qohélet nous encourage à vouloir plus. C’est aussi ce qu’exprime Tolstoï, avec son génie littéraire, dans la terrible nouvelle « La mort de Ivan Illitch ». A lire absolument.

Ici à Vézelay j’ai rencontré mes premiers pèlerins, deux hollandais arrêtés ici depuis quelques jours pour raison de santé (problèmes au dos pour un, au ventre pour l’autre). Ils m’ont bien aidé pour mon problème d’épaules, qui serait du à un mauvais réglage du sac, et de fait tout le poid du sac reposait sur mes épaules.

Aujourd’hui repos, je suis comme un coq en pâte chez les frères et sœurs de Jérusalem. Demain départ après les laudes et la bénédiction de frère Patrick, vers le Puy. Je dois me procurer de nouvelles cartes et préparer un itinéraire, bien qu’en gros ce sera encore plein sud.

Voilà pour les dernières nouvelles. Comme d’habitude, Ultreia !. Et que l’apôtre Jacques, fils de Zébédée et frère de Jean, disciple de Jésus et Saint patron de l’Espagne vous garde et vous protège.