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¡Hola!,

Je suis arrivé à Léon hier, je m'y repose aujourd'hui avant de reprendre la route demain. J'aime bien les villes : Léon, Burgos, Logrono, Estella, Pampelune pour n'en citer que quelques unes, chaque fois je voudrais rester quelques jours pour m'imprégner de l'ambiance. Mais il faut bien avancer, donc la plupart du temps je ne fais que passer en coup de vent.

Il me reste 320 kilomètres pour Santiago, ce qui est peu par rapport aux 2100 parcourus depuis Bruxelles mais ça me parait beaucoup. Je commence à sentir la fin, j'y aspire car la route est vraiment difficile, à cause de mes pieds, du froid et de l'accumulation de fatigue. Mais en même temps ça me fait un peu peur de terminer.

J'ai vu un médecin ce matin, un de plus, qui m'a donné son avis sur mes problèmes, un avis de plus, inédit. Mes problèmes seraient causés par le muscle en-dessous du pied, trop sollicité, notamment à cause de mon poid, de celui du sac et bien sûr de l'excès de marche. Pourtant j'ai perdu dix kilos depuis Bruxelles. Je crois qu'il a raison car ce muscle est en effet douloureux. Idéalement je devrais avoir des semelles orthopédiques, mais c'est un peu tard : il faut une semaine pour les fabriquer et je ne suis qu'à deux semaines de marche de Santiago. Donc je continue comme ça, lentement et par petites étapes. A ce propos, ce matin j'ai vu un couple de belges qui étaient partis un mois après moi : ça m'a fait un choc de réaliser à quel point je lambinais ! Ceci dit j'ai le temps et je profite du chemin sans trop me presser. Et puis dans un pèlerinage, comme dans la vie d'ailleurs, chacun avance à son rythme et c'est bien comme ça.

La meseta fut une traversée du désert, dans tout les sens du terme. Je dis traversée du désert car ça correspond bien à mon état d'esprit, au niveau spirituel s'entend. Ce décor monotone, plat et vide incite à la méditation mais en même temps nous vide l'esprit. C'est beau, d'une beauté épurée et abstraite. La terre est rouge, parfois jaune ou ocre. Par moment on se croirait sur la lune. Il parait qu'il y a des loups dans la meseta, malheureusement je n'en ai pas vus.

A part les deux derniers jours j'ai eu un temps splendide, soleil et ciel bleu. Quand je pars le matin, il fait froid et le sol est tout blanc, ensuite le soleil se lève (assez tard en fait), les brûmes disparraissent et la température monte. Les nuits sont vraiment froides et la plupart du temps les refuges sont non chauffés. Mais je ne me plains pas : Stefan, le pèlerin allemand avec qui j'ai marché en France, m'a dit par mail avoir souffert énormément dans la meseta, à cause du vent, du froid et de la poussière.

Je me retrouve seul à nouveau, derrière tout le monde ! Aux dernières nouvelles, Sarah, la jeune suisse rencontrée en France, n'est qu'a deux jours de moi. Les derniers temps je marchais avec un bon groupe, des espagnols et ensuite une australienne et une hollandaise qui se sont jointes au groupe, mais je viens de les perdre en m'arrêtant ici. Les autres sont importants sur le chemin, ça aide quand la route est difficile. Comme avant-hier, ou j'ai marché toute la journée sous une pluie continue, avec un vent glacial. Le soir on était content de se retrouver, ça aide vraiment pour se remettre et se remonter le moral. Même chose le jour d'avant ou je me suis retrouvé seul dans un grand refuge paroissial d'un petit village : j'étais content de voir arriver pépé, que je connais depuis quelques semaines, je le rencontre le plus souvent dans les bars. Pépé est un vagabond pitoresque, il est sur la route avec ses deux chiens depuis toujours semble-t-il. Il dort le plus souvent dans la rue, son problème c'est qu'il carbure au vin.

Dans ce petit groupe il y a pas mal d'éclopés et les gens ne se gènent pas pour prendre le bus, le taxi ou faire du stop, ceci afin de retrouver les autres à l'étape du soir. Mon orgueuil de pèlerin m'en empêche mais je me dis parfois que c'est un peu puéril de ma part. Pourquoi cette fierté de tout faire à pied ? D'autant plus que j'ai appris qu'aux temps anciens, ceux qui marchaient étaient ceux qui ne pouvaient pas se payer un cheval.

Demain je repars, objectif Villafranca qui est à 150 kilomètres d'ici. Il y a une porte du pardon là-bas, comme à Santiago, et les pèlerins qui sont blessés peuvent s'y arrêter et recevoir les mêmes indulgences que si ils avaient été à Santiago. C'est pour la petite histoire car une fois là-bas j'imagine que je pousserai jusqu'à Compostelle !

Malheureusement le plat c'est fini : après Léon on grimpe sérieusement, jusqu'à 1500 mètres, il y aura de la neige et ça va être froid ! Mais il paraît que c'est très beau et qu'il y a des loups aussi. Pour l'instant je suis dans la communauté de Castille y Léon, avant j'ai traversé les communautés de Navarre (capitale Pampelune) et de La Rioja (capitale Logrono). Une communauté regroupe une ou plusieurs provinces, en Castille y Léon j'ai traversé les provinces de Burgos, Palencia et maintenant je suis dans la province de Léon. La communauté de Navarre ne contient que la province de Navarre, ainsi que celle de La Rioja. Que ce soit en Navarre, dans La Rioja ou dans la meseta, le chemin en Espagne est tout simplement magnifique.

C'est tout pour le moment. Que l'apôtre Jacquues nous garde, et puis, comme toujours : ¡Adios! Y como se dice ¡¡Ultreia!!

Pierre