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Les échos du silence, Sylvie Germain, 2004-07-10, 4.5 étoiles
Ecouter le silence de Dieu
"Il y eu un grand ouragan [...] mais Yahvé n'était pas dans l'ouragan; et après l'ouragan un tremblement de terre, mais Yahvé n'était pas dans le tremblement de terre; et après le tremblement de terre un feu, mais Yahvé n'était pas dans le feu; et après le feu, la voix d'un silence subtil." (1R 19,12).
Le point de départ de la méditation de Sylvie Germain est celui de l'absence de Dieu, du "scandale" de son silence face aux atrocités (génocides et autres) dont notre époque a été si malheureusement pourvue. Le cri de souffrance de Job, injustement mis à l'épreuve et qui crie sa révolte face au silence de Celui auquel il reste fidèle envers et contre tout, s'élève à notre époque avec toujours autant d'acuité. Comme Jung dans son "Réponse à Job", Sylvie Germain estime que la réponse de Dieu à la fin du livre de Job n'en est pas une et qu'on ne peut pas en rester là.
Alors que faire de ce silence ? Le non-croyant y verra une preuve de la non-existence de Dieu et pour lui ça s'arrête là. Mais le croyant ne peut pas faire l'économie de la question. Car me semble-t-il si on crois, c'est parce qu'on en a besoin ou qu'on a ressenti (ou pressenti) l'amour de Dieu dans notre vie. Dès lors rejeter l'existence de Dieu n'est plus une option.
Des réponses Sylvie Germain n'en donne pas, bien quelques pistes que chacun pourra méditer. Un retournement de la perspective d'abord : les Impropères (qui sont des chants qui accompagnent traditionnellement la vénération de la croix le vendredi saint) dans laquelle la plainte de Dieu à l'égard de son peuple qu'il a libéré et qui fait un si mauvais usage de cette liberté s'élève. La réponse classique ensuite de la liberté: Dieu nous a voulu libre, ce qui implique libre de faire le bien mais aussi libre de faire le mal. Dans "Les frères Karamazov" Dostoïevski illustre la liberté divine par l'épisode de la tentation de Jésus dans le désert. Sylvie Germain utilise des paraboles de Marc et Luc, nous donnant l'image d'un Seigneur qui quitte sa demeure pour laisser la place à ses serviteurs. Et aussi la pièce de Shakespeare, "le Roi Lear".
Mais ce n'est pas tout, la méditation de Sylvie Germain nous entraîne sur un terrain encore plus fertile. L'auteur nous invite à nous mettre à l'écoute de "cette voix d'un silence subtil" par laquelle Dieu se manifeste à Elie dans la citation reprise au début de ma critique. Ecouter ce silence, ou plutôt des échos de ce silence dans le coeur de celui qui le cherche. L'auteur nous invite à nous mettre à la recherche de l'absence de Dieu. Paradoxal certes, mais c'est bien la voie suivie par la petite Thérèse et par les mystiques qui ont fait l'expérience de la nuit obscure. Outre Sainte Thérèse de Lisieux, Sylvie Germain s'accompagne aussi dans cet essai de Etty Hillesum, Simon Weil, Paul Célan (un poète que Fée Carabine mentionnait dans un forum) et du Roi Lear de Shakespeare, pour nous livrer une méditation superbe sur le silence de Dieu et la folie magnifique de ceux qui envers et contre reste à l'écoute de ce silence. Sans certitude, jamais, car le croyant doit toujours être capable de mettre tout en doute, jusqu'à l'existence de Dieu. Sinon cela devient de l'intégrisme.
En fermant le livre, je me dis que finalement être croyant c'est peut-être "chercher l'absence de Dieu" et que prier c'est se mettre à l'écoute du silence de Dieu. Car quand Dieu parle c'est "le son d'un silence subtil" (ce qui me fait penser au "Je serai qui je serai" que Dieu répond à Moise). Ecouter le silence de Dieu : c'est ce que je fait d'ailleurs quand je vais dans une église. Je me souviens d'avoir passé une après-midi entière dans l'incroyable basilique Sainte Marie-Madelaine à Vézelay : on déambule dans la nef romane, le regard y cherche une présence dans les voutes et les jeux de lumière. On s'assied pour écouter le silence (en hiver il n'y a personne dans la basilique). On se plante devant l'extraordinaire coeur gothique, transpercé par la lumière qui s'en émane.
Et pour terminer, je vous donne une citation qui ne manque pas de m'intriguer et de m'interpeller et qui s'éclaire un peu plus grâce à Sylvie Germain. C'est Angelius Silesius qui disait "Dieu est un Rien pur, nul maintenant, nul ici ne le touche ; plus tu cherches à le saisir et plus il t'échappe".
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