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Frankie Adams, Carson McCullers, 2004-06-16, 5.0 étoiles
Quel est mon nous à moi ?
"C'est arrivé au cours de cet été vert et fou. Frankie avait douze ans. Elle ne faisait partie d'aucun club, ni de quoi que soit au monde. Elle était devenue un être sans attache, qui traînait autour des portes, et elle avait peur".
Ainsi commence ce roman de Carson McCullers que je n'hésite pas à qualifier de génial.
Dans une petite ville de Géorgie qui s'ennuie paresseusement dans la chaleur torride d'une fin d'été, Frankie Adams, 12 ans, passe le temps en discutant dans la cuisine avec Bérénice, la cuisinière noire, et John Henry son cousin de 6 ans. Frankie Adams se sent seule : elle est orpheline de mère, elle a grandit trop vite et puis peut-être aussi parce qu'elle se pose des questions que les autres ne se posent pas.
Un jour, son frère militaire arrive à la maison avec une fiancée et une grande nouvelle : il va se marier. Ce jour là Frankie Adams entrevoit une nouvelle vie et se persuade qu'elle va les accompagner dans le nord, vivre avec son frère et cette fiancée si belle dans un pays ou il y a des hivers et de la neige.
Le roman se déroule dans la journée qui précède le mariage. Il ne se passe rien d'extraordinaire dans cette journée mais justement c'est ça le plus beau dans ce livre, l'attente du dénouement, de ce fameux mariage. Comme l'a très bien fait remarquer S-G-d-P dans sa critique, McCullers aborde les questions les plus importantes avec simplicité et je dirai même avec génie. A travers cette adolescente l'auteur capture avec une sensibilité extrême les peurs et la solitude que chacun ressent parfois lorsqu'il se sent exclu, différent ou prisonnier de lui-même. Comme le dit Bérénice, la formidable cuisinière noire : "Tous on est comme des prisonniers. On vient au monde dans un endroit ou dans un autre, et on ne sait pas pourquoi. Mais on est quand même prisonniers. Toi, tu es née Frankie. John Henry, il est né John Henry. Et peut-être qu'on voudrait s'évader et être libre. Mais on a beau faire, toujours on reste prisonnier. Moi je suis moi et toi, tu es toi, et lui il est lui. Chacun de nous est comme prisonnier de lui-même."
J'aime beaucoup aussi la façon de McCullers de décrire son pays, le sud américain et sa langueur, c'est grandiose. Voilà un extrait révélateur de son style.
"Derrière les vitres, l'après-midi flamboyait et de loin en loin un vautour planait paresseusement dans le ciel aveuglant. Ils croisaient des routes de traverse rouges et désertes, creusées de fondrières d'un rouge plus sombre, et de vieilles baraques délabrées perdues dans la solitude des champs de coton."
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