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L'Ere des empires, Eric John Hobsbawm, 2012-05-05, 4.5 étoiles

L'histoire pour comprendre notre monde

Comme le dit joliment l'auteur dans sa préface, l'histoire récente (1875-1914) est le terreau dans lequel puisent les racines de notre présent. Ma génération est d'ailleurs toujours imprégnée d'une nostalgie liée à "la belle époque", ces années de décadence (atmosphère fin de siècle) pour la bourgeoise, une époque très présente à travers la littérature, le cinéma, l'art (l'art nouveau est encore très à la mode). Il suffit de voir la place prise dans notre imaginaire par le drame du titanique, emblématique de l'esprit de l'époque.

Le travail d'un historien de ce calibre (Hobsbawn est une référence), n'est pas d'aligner les faits et les dates, mais bien de les relier, et, en les restituant dans le contexte social, politique, économique, de les expliquer et ainsi de mieux comprendre notre monde. C'est tout simplement passionnant. C'est l'époque de l'impérialisme : l'Europe et surtout l'Angleterre est à son apogée, une poignée de pays techniquement en avance (on a des fusils, eux pas) se partagent le monde selon un subtil équilibre (qui vaudra par exemple à un petit pays comme la Belgique de tirer les marrons du feu et de disposer du Congo, les puissances rivales ne parvenant pas toujours à se départager le butin colonial).

C'est le triomphe du capitalisme, mais la fin de la grande période de la bourgeoisie qui entame sa décadence. Avec le processus démocratique, la classe ouvrière prend de l'ampleur et devient un danger pour la bourgeoisie. Mais cette classe ne parvient pas à s'internationaliser à cause de l'écueil des nationalismes (la religion laïque des états) et finalement la démocratie ne sera pas incompatible avec le capitalisme et l'existence d'une élite dirigeante qui controle la masse populaire. C'est l'époque d'une certaine libération pour les femmes aussi. Ces mouvements conduiront à des révolutions (en Russie, au Mexique,..), à la fin des empires et surtout à la guerre mondiale.

Un chapitre très intéressant est dédié à la science, qui évolue en liaison avec le contexte social et politique (ainsi la biologie, l'eugénisme, le racisme sont des produits des nécessités coloniales). Il y a aussi une crise dans les sciences, liée à la divergence entre la théorie et l'intuition, les mathématiques par exemple perdant leur lien avec la réalité. Un scientifique dira que les sciences n'ont plus vocation à être vraies, mais simplement utiles ! Du côté des sciences sociales, l'économie devient "a-historique", évacue tout problème lié à l'irrationalité inhérente aux sociétés humaines, pour se cantonner dans la théorie néo-classique. Le chapitre relatif à l'art m'a paru moins clair, on y apprend comment l'art populaire a pu conquérir le monde (surtout au bénéfice des américains) avec le progrès technique. Les prémisses de la première guerre mondiale sont très bien expliquées. En fait, aucun historien ne parvient à expliquer le pourquoi de cette guerre ni à départager les responsabilités, il semble que les nationalismes, la formation de la triple entente (France, Angleterre, Russie) qui s'oppose au bloc Allemagne - Autriche rendait l'affrontement inévitable.

C'est un ouvrage magistral, un livre conséquent et qui nécessite un effort du lecteur même si l'auteur ne s'adresse pas à des historiens. Hobsbawn est engagé, il a la réputation d'être marxiste, mais ça ne posera aucun problème à celui qui ne partage pas sa conviction. Il me semble que l'histoire est analysée d'un point de vue essentiellement économique, ce qui me semble logique à tel point on a l'impression en regardant le passé que c'est l'économique qui est toujours le vecteur des guerres, des révolutions, des idéologies et de la politique. Quant à moi, je vais me précipiter sur les deux tomes précédents.

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