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Leurs enfants, Edith Wharton, 2012-01-18, 4.5 étoiles
Le génie de Wharton
Martin, la quarantaine bien sonnée, est en route pour retrouver sa vieille amie Rose et l'épouser. Martin est-il amoureux de Rose ? Il le croit sincèrement. Mais sur le bateau il rencontre Judith, une adolescente, qui allie le charme de la femme avec la spontanéité et l'absence de réserve de l'enfant qu'elle est encore un peu. Tout les plans de Martin seront chamboulés par cette jeune femme qui traine avec elle une ribambelle de frères et soeurs.
Martin apprécie Rose, mais il est surtout un amoureux à distance. Il n'est jamais autant amoureux que Rose que solitairement dans ses pensées: à ce moment elle a la grâce d'un fantôme. Quant à Rose, veuve amène et très lisse, presque trop parfaite, elle attend patiemment. En arrière-plan de ces deux êtres fait pour se marier, comme à leur insu, et, suprême don de l'écrivain ?, à l'insu de l'auteur même (on a l'impression que ses personnages lui échappent), on sent une indécision s'immiscer, et une incapacité de passer à l'acte, c'est comme une ombre en arrière plan qui menace leur bonheur.
Peut-être Rose a-t-elle attendu trop longtemps, incapable de saisir le bonheur ? Wharton dit d'elle "Elle s'était exercée à attendre, pendant des mois et des années, comme on guette une proie". Et Martin, un aventureux, homme intègre, qui chérit sa fiancée à distance, est incapable de voir ce qui lui arrive alors que la compagnie de la jeune Judith l'amène au bord du gouffre d'un amour impossible car inacceptable.
Je trouve du génie dans la plume de Wharton. Personne ne parle comme elle du désastre d'un amour qui, insidieusement, ne parvient pas à s'exprimer, soit qu'il doit être réfréné, soit qu'une ombre (la peur ? l'incapacité affective ?) vienne petit à petit le casser (et briser une vie en même temps). On est bien dans la tragédie même si Wharton est souvent très drôle avec son ironie mordante. La tragédie d'une vie passée à attendre, à refuser de vivre, par peur ou incapacité affective ? Mais il n'y a pas de jugement ici: à l'opposé de ces êtres touchants et sobres, Wharton décrit avec son ironie mordante habituelle les noceurs égoïstes qui abandonnent leur enfant pour vivre leur vie de pacotille. Et on retrouve bien la l'opposition entre les fous, inconscients, ceux qui dansent dans la maison de Liesse, et les sages, incapables de croquer la vie égoïstement, et qui vivent les affres d'une vie brisée.
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