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La Chute, Albert Camus, 2003-12-11, 5.0 étoiles

La Seine est souvent froide en hiver...

Jean-Baptiste Clamence est « prophète vide pour temps médiocres », c’est un faux prophète car il n’annonce pas la venue du messie (auquel il ne semble pas croire). Comme la voix de Saint Jean Baptiste qui clame dans le désert ("clamans in deserto"), il parle dans le désert des hommes mais lui n'annonce pas la venue du messie (auquel il ne semble pas croire) et surtout, contrairement au Christ, Jean Baptiste Clamence ne veut pas pardonner, mais plutôt accuser.

La vie de ce faux prophète est avant tout celle d’une chute : la chute d'une jeune femme dans la Seine mais surtout la sienne, celle d'un homme qui prend conscience de sa vanité et du caractère factice de sa vie. Saint Jean-Baptiste disait « il faut que je diminue pour que celui qui me suit advienne » : Clamence aussi devra passer par l’effondrement de son moi démesuré avant d’advenir à ce qu’il est.

L’homme d’avant la chute est un homme comblé, qui rassemble tellement de qualités qu'il en vient à se croire élu. Il s’aime et il veut que tout le monde l'aime autant que lui. Mais l'édifice se fissure le jour ou une jeune femme se jette dans la Seine et qu’il ne bouge pas ("Trop loin, trop tard"). Plus tard il entend un rire, qui ne lui était peut-être pas destiné, et tout s’effondre : il prend conscience de sa vanité, du caractère factice de sa vie. Il essaye bien de s'illusionner en tombant amoureux, ensuite de se réfugier dans la débauche mais finalement échoue à Amsterdam, où il se transforme en "juge pénitent", une sorte de prophète qui s'accuse lui-même pour éviter le jugement des autres et pour accuser les autres par reflet.

C'est un livre écrit avec verve et brio. C'est amusant à lire et évidemment ce livre suscite la réflexion. Allez je vous en livre une de réflexion : si parfois vous regrettez les occasions passées, vous voudriez avoir une deuxième chance, vous pourrez penser à Clamence qui termine son monologue par ces mots « O jeune fille, jette-toi encore dans l’eau pour que j’aie une seconde fois la chance de nous sauver tous les deux ! Une seconde fois, hein, quelle imprudence ! Supposez, cher maître, qu’on nous prenne au mot ? Il faudrait s’exécuter. Brr.. ! l’eau est si froide ! Mais rassurons-nous ! Il est trop tard, maintenant, il sera toujours trop tard. Heureusement ! »

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