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Le système des inégalités, Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, 2010-01-16, 4.0 étoiles
Near a fait un résumé magistral de ce petit livre dans le forum, je vous conseille de le lire si le sujet vous intéresse. De toute façon, la lecture du livre est également souhaitable : comme le dit Vén, l'ouvrage est court et surtout très clair. Il faut vraiment saluer les auteurs sur ce point.
Le premier chapitre est très intéressant : il définit le concept d'inégalités sociales. Pour simplifier, je dirais qu'il s'agit d'une distribution inéquitable de ressources, qui engendre un sentiment d'injustice. Les ressources sont matérielles (ex:revenu disponible), sociales et politiques (ex : socialisation) et symboliques (ex: diplôme scolaire, culture,..). Et donc, en gros, les inégalités sont de l'ordre de l'avoir, du pouvoir et du savoir. Mais attention : pour qu'une inégalité soit sociale, il faut qu'elle soit produite par la société. On distingue en effet les inégalités sociales (produites par la société), les inégalités naturelles (dites supra-sociale) (par exemple certaines régions sont plus fertiles au niveau du sol que d'autres) et les inégalités individuelles (dite infra-sociales) qui sont dues aux comportements individuels (par exemple la cigale et la fourmi). Mais il y a relation entre ces trois types d'inégalité : une inégalité sociale agit sur les comportement de consommation par exemple.
Les auteurs appréhendent les inégalités dans un aspect systémique : on est en présence d'un système, dans lequel les inégalités interagissent, souvent pour se renforcer. C'est facile à comprendre : une inégalité en terme de revenu implique une inégalité en terme de logement, en terme de santé, et ainsi de suite, qui va renforcer la précarité de l'emploi, etc.. Cette analyse systémique montre qu'il y a une polarisation (création de pôles) : les avantages se renforcent et les handicaps s'accumulent.
Les auteurs démontent les discours inégalitaristes utilisés pour légitimer les inégalités sociales : ainsi pour certaines personnes les inégalités sont non seulement légitimes mais même désirables ! Même si, selon moi, il tombe sous le sens que ces discours inégalitaristes sont fallacieux (et scandaleux), ils ne sont pas faciles à réfuter et l'auteur n'y parvient pas tout à fait. Mais je répète que pour moi, légitimer les inégalités est par définition une aberration : je colle avec l'approche de Marx qui est "De chacun selon ses compétences, à chacun selon ses besoins".
Les auteurs expliquent que le concept de l'égalité des chances est un oxymore : si il y a égalité, il n'y a pas besoin de chance. Il démonte l'argument qui consiste à considérer les inégalités comme naturelles (ontologique) : c'est intéressant car ça rejoint l'analyse des théologiens de la libération qui montre que le capitalisme est une religion de destin. Les auteurs démontent enfin l'argument d'égalité formelle : le libéralisme serait égalitaire, puisque tout le monde a droit à sa chance d'un point de vue légal du moins. C'est assez facile à réfuter au vu des données présentées dans le reste du livre : il est évident que tout le monde ne démarre pas avec les mêmes chances !
La deuxième partie analyse les inégalités en tant que système : les interactions entre les inégalités. Les résultats sont présentés dans des tableaux synthétiques clairs. Dans la partie suivante, les auteurs mettent en évidence le phénomène de cumul des inégalités (accumulation des handicaps) et ensuite le phénomène de reproduction (de génération en génération), en analysant la mobilité, ou plutôt l'immobilité, sociale. La démonstration est convaincante. J'ai aimé aussi la description des phénomènes de castes, les stratégies par exemple de la bourgeoise pour protéger ses privilèges, se reproduire entre eux.
La thèse de l'auteur est donc de montrer qu'il y a un renforcement des inégalités et une polarisation, c'est-à-dire : la création de deux pôles à l'opposé de l'échelle sociales : ceux qui ont le pouvoir, le savoir et l'avoir et qui accumulent et ceux qui ne l'ont pas. En fait, depuis 1980, la situation de la classe sociale défavorisée ne fait qu'empirer. Il faut donc démonter la fausse croyance qui est que la classe sociale moyenne aurait rendu obsolète le concept de classes sociales et de lutte de classes. Les auteurs rappellent dès le début que le concept de classes sociales implique une prise de conscience des inégalités et la naissance d'un sentiment d'injustice. Ce sentiment n'existe pas toujours chez les dominés, au contraire de l'époque des luttes sociales.
En conclusion : un petit livre très clair et abordable, qui permet de comprendre le concept des inégalités sociales et qui, données chiffrées à l'appui, montre la pertinence d'analyser ces inégalités en tant que système. Vraiment intéressant.
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