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Génitrix, de François Mauriac, 2004-02-21, 4.0 étoiles

C’est le culte qui crée l’idole.

« C’est le culte qui crée l’idole » dit Mauriac. L’idole dans ce roman ce serait Félicité, la mère toute puissante, qui asservit son fils en l’écrasant d’un amour maternel castrateur, despote à l’autel de laquelle le fils sacrifie sa jeune femme.

Ce roman pourrait s’appeler le désert de l’amour, suggère Lucien. Je dirais même que tout les Mauriac (du moins ceux que j’ai lus) pourraient s’appeler ainsi. Peut-être que l’auteur veut nous montrer que la vie sans amour c’est l’enfer ?

En effet dans ce roman il n’y a pas d’amour. Déjà parce que dans ce pays, le sud-ouest, et dans ce milieu de propriétaires terriens et viticulteurs, on ne se marie pas par amour : on cherche à perpétuer la race et à agrandir le domaine. Quant à l’amour démesuré que porte la mère à son fils Fernand, il s’agit d’un besoin de domination spirituelle. Fernand, lui, est incapable d’aimer. Il pense découvrir l’amour lorsque sa jeune femme Mathilde meurt mais il est en fait aiguillonné par un besoin de rébellion, l’amour tardif qu’il croit ressentir pour la défunte est dirigé contre sa mère. Dans le cas de la vieille servante Marie, la vénération mêlée d’effroi qu’elle éprouve pour la maîtresse de maison est un désir d’asservissement, on ne peut pas dans ce cas non plus parler d’amour.

Mais cependant, même dans ce désert de l’amour, apparaît parfois l’image d’un autre monde, comme un mirage qui donne une idée de ce que serait la vie avec l’amour. Fernand en a l’intuition au crépuscule d’une journée de pluie sur le sol habituellement aride de ce pays : « Comme il avait plu tout le jour, les arbres s’égouttaient comme dans un silence surnaturel et il n’y avait plus rien au monde que ce bruit calme des larmes. Un apaisement lui venait, un détachement, comme s’il eut pressenti au-delà de sa vie atroce, au-delà de sa propre dureté, un royaume d’amour et de silence où sa mère était une autre que celle dont il venait d’être possédé ainsi que d’une ménade, - où Mathilde tournait vers lui un visage détendu, pacifié à jamais – un sourire de bienheureuse. »

« C’est le culte qui fait l’idole ». Qui de l’idole ou de l’idolâtre est le plus à plaindre ?

Un bon Mauriac. Et c’est avec le même plaisir que je continue ma série des Mauriac !

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