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Le fruit de l'arbre, Edith Wharton, 2009-10-10, 4.0 étoiles

En avance sur son temps

Edith Wharton a écrit ce roman en 1907, juste après son grand succès "Chez les heureux du monde" (1905). Cette fois, l'auteur change de registre : elle quitte la haute société dont elle avait fait une peinture magistrale dans "Chez les heureux du monde", pour dépeindre le monde ouvrier, et critiquer les conditions sociales déplorables de l'époque.

Le héros de ce roman est un jeune idéaliste plein de feu; il est directeur d'une filature et se bat contre la famille pour imposer ses idées progressistes. Avant de tomber éperdument amoureux de la jeune veuve, la très sensuelle et inconstante Bessy, un personnage remarquable dont Wharton seule a le secret. Mais la véritable figure marquante du roman, c'est la belle Justine, une infirmière idéaliste et d'une droiture morale à toute épreuve.

L'aspect lutte ouvrière du roman a vieilli, mais il étonne venant d'une femme comme Wharton qui était d'un milieux très riche. On sent l'humanisme et la sensibilité de Wharton pour la pauvreté, même si il se mélange un aspect un peu paternaliste à sa vision de la justice sociale. Edith Wharton aborde aussi le thème de l'euthanasie, et le prix à payer par les caractères nobles qui prétendent s'établir au-dessus de la morale établie. Comme souvent chez Wharton, la punition pour ceux qui passent outre les règles établies est très lourde.

Ces thèmes sont présentés à travers un récit très romanesque mais qui pèche un peu par manque de vraisemblance. Malgré le don incroyable de Wharton pour rendre ses personnages vivants, on a l'impression parfois de voir l'auteur manipuler les ficelles derrière les rebondissements du récit.

Le titre du roman semble indiquer que Edith Wharton raconte, à travers ces deux grandes et belles histoires d'amour, l'histoire d'une chute: l'idéalisme se heurte aux limites de la morale et la décision intime prise par l'un ne pourra jamais être partagée totalement avec l'autre. Peut-être la leçon est-elle que le grand amour fusion n'est qu'un leurre, et que les compromissions sont toujours nécessaires pour protéger l'autre. Les mots emprunts de fatalisme qui résume assez bien la pensée de Wharton semblent l'indiquer : "Cependant, la vie n'est pas affaire de principes abstraits : c'est une succession de compromis mesquins avec le destin, de concessions à la vieille tradition, aux anciennes croyances, aux charités et aux faiblesses de jadis. Son acte du moins lui avait enseigné cela, c'était le message des dieux aux mortels qui s'étaient fourvoyés chez eux".

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