Les Livres
Par datePar genrePar auteurTournanteLivre HomePierre's Home

Crime et Châtiment, Fedor Michaïlovitch Dostoïevski, 2003-11-10, 5.0 étoiles

Lève toi et marche

Un mot sur l’histoire, pour ceux qui n’aurait pas encore lu ce livre. Raskolnikov, jeune étudiant, a une théorie particulière : il existe des êtres supérieurs pour lesquels la notion de mal habituelle ne s'applique pas. Cette élite est au-dessus de la masse obéissante des gens inférieurs et si pour atteindre un objectif noble une de ces personnes se voit obliger de commettre un crime elle peut et même doit passer outre les lois et les scrupules. Par exemple, est-ce qu'on accuse Napoléon d'être un criminel ? Bien sur que non, au contraire on lui élève des statues.

Raskalnikov vit très pauvrement, il a arrêté ses études par manque de moyens, cependant il n'hésite pas à donner son dernier kopeck à une pauvre femme. Il est d'une grandeur d'âme immense, excessif cependant et orgueilleux. Il veut croire qu'il fait partie de cette élite et afin d'appliquer sa théorie il décide de voler et de tuer une vieille usurière, une femme malfaisante et inutile, d'utiliser l’argent pour réaliser de nobles desseins, ce qui rachètera amplement son acte. D'ailleurs en tuant la vieille il rend service au monde, en le débarrassant d'une vermine qui persécute les pauvres.

Toute les circonstances se mettent en place et jouent en faveur de la réalisation de son acte, ce qui fait dire que le diable s'en mêle. En plein délire, Raskalnikov sort de chez lui avec une hache et fracasse le crâne de la vieille. Commettre le crime est une chose, l'assumer une autre. Il est torturé par les dilemmes moraux, sa raison défaille. Il est seul, il ne vit plus dans le monde des hommes, il rejette sa mère et sa sÏur qui l’adorent.

Le salut ne pourra venir que de Sonia, jeune femme d'une bonté immense qui se déshonore pour subvenir aux besoins des plus pauvres mais qui garde la pureté de coeur et du regard. C’est une martyre de la souffrance, l’incarnation de la foi ardente au Christ, une figure de la compassion infinie et d’acceptation de la souffrance qui porte son fardeau par amour du Christ mort sur la croix. Le jeune homme, respectueux de sa souffrance, s'agenouille devant elle et lui baise les pieds. Sonia veut sauver Raskalnikov, et pour elle son salut n'est possible que si il expie son crime, si il se reconnaît coupable devant tous, se met à genoux devant les hommes la face par terre. Elle l'encourage à porter sa croix.

Il faudrait parler des autres personnages : de Marmeladov, le père de Sonia, pauvre hère alcoolique qui meurt en laissant sa famille dans la misère totale. Du juge d’instruction Porphyre Petrovitch et du terrible jeux du chat et de la souris auquel il se livre avec Raskalnikov. De Svidrigaïlov, le pendant sombre de Raskolonikov qui lui ne trouvera pas la voie de la rédemption, et des autres personnages, tous fascinants, excessifs, outranciers, qui font de ce roman monumental une mine. Tout est démesuré : les personnages, les coups de théâtre, les scènes, les dialogues ahurissants qui se succèdent en feu nourri. On rit et on pleure. Sur l’épaisseur du livre on a du mal à trouver quelques longueurs, qui permettent de reprendre souffle, car sinon ce livre se lit d’une traite, avec feu. C’est une lecture qui secoue, qui remue au profond de nous car à travers ses personnages outranciers Dostoïevski nous parle de nos propres travers, de nos propres vies et interrogations. Le fond comme la forme atteignent un degré de perfection jamais atteint, on peut presque dire que ce livre rend les autres lectures insignifiantes.

Retour à la liste

Nombre de visites: 516