Les Livres
Par datePar genrePar auteurTournanteLivre HomePierre's Home

La joie imprenable, Lytta Basset, 2006-08-06, 4.0 étoiles

"..et votre Joie sera parfaite"

Ce livre m'a été conseillé par un père jésuite avec lequel je discutais du fait d'être heureux ou malheureux. Ce fut une lecture très enrichissante quoique relativement difficile. C'est gros livre qui ne se laisse pas résumer, plutôt que vous infliger un résumé plus ou moins structuré que j'ai fait pour moi mais qui finalement n'intéressera personne, je vais me contenter de donner quelques idées.

La joie imprenable à laquelle réfère le titre est celle promise dans Jean 15, lorsque le Christ dit à ses disciples "Tout ce que vous demandrez en mon nom vous le recevrez, afin que votre joie soit parfaite". La joie dont il est question ici (et tout au long de l'évangile ne doit pas être confondu avec le bonheur ou le plaisir, car le bonheur et le plaisir ne sont que des états éphémères dont on profite entre deux coups durs. Il s'agit d'un état de fond qui ne fait pas abstraction de nos expériences négatives, c'est un état qui s'enracine dans la souffrance, une souffrance pleinement assumée et qui permet ensuite de s'ouvrir aux autres (et à l'Autre car le christianisme est la religion de l'incarnation) et à la compassion. C'est à partir de ce moment que peut s'établir la joie, une simple graine au début, car selon l'auteur l'aspiration à la joie est toujours présente mais il est vrai qu'on ne demande et ne reçoit que dans la mesure ou est capable d'accueillir à ce moment (plus la souffrance aura été grande, plus la place béante, le vide, créé pour accueillir la joie sera grande).

L'auteur se base en bonne partie sur la parabole du fils prodigue, qu'elle analyse sous l'angle de l'exclusion (ou de l'inclusion), qui montre comment celui qui n'a pas accès à la joie exclut les autres (ou s'exclut lui-même) de la vie. J'aime beaucoup son approche qui laisse une part entière au sentiment sans jamais séparer vie affective et vie spirituelle. Elle nous encourage à accepter et accueillir tout nos sentiments, la solitude aussi, et l'angoisse qui est constitutive de notre condition humaine (le premier mot que l'ange dit à Marie est d'ailleurs "Ne crains pas Marie"). Elle indique comment dans une vie (mais le chemin peut être long !) on peut passer d'un stade de souffrance qui exclut soi-même et les autres à un stade qu'elle appelle du "souffrir-contre" (c'est la révolte de Job) et ensuite un stade du "souffrir-avec", celui ou on prend conscience que quelqu'un souffre avec nous, ce qui nous ouvre à la vraie compassion et à l'amour.

C'est un livre que je conseille aux chrétiens qui se posent des questions sur le bonheur (la vie au centuple, le Royaume des cieux promis dans l'évangile est-il de ce monde ou pas ? Clairement oui). Lytta Basset a une vue novatrice sur les évangiles, il m'est arrivé souvent de tomber sur de profondes intuitions qui me transpercent si je puis dire ainsi (ainsi l'idée que souffre avec nous dans nos expériences négatives). Cette théologienne protestante utilise des notions philosophiques basées sur la phénoménologie (domaine pour le moins obscur de cette science si vous me demandez !), mais cela reste abordable. Elle cite souvent des grosses pointures (Ricoeur, Simone Weil, Kierkegard, Saint Augustin, ...) avec lesquels elle se permet d'ailleurs parfois d'être en désaccord - c'est rafraichissant -, ce qui fait qu'on apprend au passage pas mal de choses sur l'exégèse biblique et la philosophie. Mais c'est surtout son approche de la vie spirituelle qui garde toute la place à la vie affective qui est des plus enrichissante pour moi. Cette manière de ne pas séparer l'affectif du spirituel permet de s'impliquer dans notre relation à l'Autre (et aux autres), sans nier aucun de nos sentiments, les sentiments négatifs y compris.

Retour à la liste

Nombre de visites: 226