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Edith Wharton : lectures d'une vie, Diane de Margerie, 2006-05-25, 4.5 étoiles
Prendre soin de ses souffrances
Lire Wharton cest pour moi comme écouter le troisième mouvement de la neuvième de Beethoven, ça permet de mettre un doigt sur les fêlures en moi, ce qui procure lagréable douleur de se sentir vivre. Je crois aussi que Wharton, par moment, nous fait mettre le doigt sur la manque inhérent à notre vie humaine, et cela aussi nous fait sentir vivant. Car que ce soit dans lamour humain ou spirituel, ou nimporte quel moment privilégié il arrive souvent quon ressente ce manque, ne fusse que par quon sait que linstant passe et quon sait que la plénitude nest pas possible. Ce manque, cette absence, cest quelque chose de palpable, de sous-jacent dans certains livres de Wharton.
Enfin bref si jaime Wharton cest pour beaucoup de raisons, dont certaines me sont certainement inconnues car cest évident quune uvre comme celle de Wharton touche des côtés inconscients en nous, ce qui ne manque pas de capter notre attention, comme tous ce qui nous révèle à nous même.
Parmi ces raisons je devrais aussi parler de limportance du non-dit dans son uvre, du drame de la frustration, et puis encore bien plus de lambivalence de ses personnages (on peut comparer Lily Barth à Emma Bovary dailleurs). Les héros de Wharton sont comme des esquifs emportés par des vagues contradictoires, ballotés entre leur conscience et les contraintes sociales, dépassés par une éducation rigide, leur environnement ou simplement leur condition de femmes dans un monde machiste.
Un exemple magistral de cette ambivalence est lattitude de certains de ses personnages par rapport à lattente, il est vrai que ce thème de lattente à toujours eu un côté fascinant pour moi. Que ce soit la dame de « La récompense dune mère » qui se complait dans la rage du souvenir et du plaisir pervers des regrets du temps passé, ou un personnage dune nouvelle dont elle dit joliment « Elle sétait entrainée à attendre pendant des mois et des années, comme on guette sa proie ». Cest toute la question de savoir si le lieutenant Drago, dans le désert des tartares, est un héro ou un pauvre type.
Ceci pour mes réflexions personnelles sur Wharton, jen viens maintenant à cette excellente biographie réalisée par Diane de Margeride qui est une spécialiste de Wharton. Elle est incontournable je pense : très bien écrite, elle brosse un portrait de lauteur à travers son uvre, lauteur analysant avec finesse la plupart des romans importants et quantité de nouvelles (dont certaines me sont inconnues) et montrant le lien avec la propre vie de Wharton. Une vie qui fut loin dêtre facile, ce qui bien sûr explique la richesse de ses écrits : ainsi le manque initial damour maternel, le mariage raté avec un mari neurasthénique, un mariage dont on soupçonne quil nait jamais été consommé, lamant tardif (elle avait quarante ans) peu digne des sentiments que Wharton lui portait mais qui lui révèle la sexualité, les relations de Wharton avec Henry James et dautres grands hommes (dont beaucoup étaient homosexuels), Diane de Margeride met également en évidence les thèmes chers à Wharton, limportance du non-dit (à tel point que certains biographes ont soupçonnés un inceste paternel, hypothèse ici écartée), son féminisme, le paraître et la culpabilité, et bien dautres choses à découvrir dans cette biographie !.
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