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Chez les heureux du monde, Edith Wharton, 2003-11-23, 4.5 étoiles

Et toi lecteur, vas-tu danser avec les fous dans la maison de liesse ?

Rien que le titre ! Avec ça tout est dit ! L’imparable ironie, l’érudition et l'intelligence d’Edith Wharton s’y retrouve. Je m'explique : le titre original est « The House of mirth », en français « La Maison de liesse » et c'est tiré d’un passage de l’Ecclésiaste qui dit : « Le cÏur du sage est dans la maison de deuil ; mais le cœur des insensés est dans la maison de liesse ».
La maison de liesse : métaphore pour la cage dorée de la haute société new-yorkaise, que Wharton décrit avec un humour féroce dans ce premier roman paru en 1905.
Elle nous ouvre en effet les portes de la cage dorée de cette haute société new-yorkaise, mais n’oublie pas de nous montrer l'envers du décor : car sous la couche dorée de luxe et d'exubérance, se cache un monde frivole d'une mesquinerie impitoyable.
Lily Bart, sa jeune héroïne, est indéniablement le plus bel oiseau de la cage. Comme le dit joliment l'auteur « Elle avait été façonnée pour être un ornement délicieux : pour quelle autre fin la nature arrondit-elle le pétale de rose ou peint-elle la gorge du colibri ? ». Elle a 29 ans et est à la recherche d'un riche mari qui lui permettrait de vivre dans le luxe dont elle a besoin (« Tout son être se dilatait dans une atmosphère de luxe : c'était le milieu dont elle avait besoin, le seul climat ou elle pût respirer »). Mais pour réussir dans ce milieu il faut en jouer les règles et cela implique des concessions morales que l'héroïne malgré tout n'est pas disposée à faire. Sans compter les jalousies des autres oiseaux de la cage, car dans la cage il y a aussi des corbeaux malfaisants et autres pies médisantes. Tout cela fait que notre bel oiseau risque bien de s’engluer dans l'impitoyable corruption de ce petit monde.
Edith Wharton touche une corde sensible chez moi, c’est évident. Est-ce son intelligence, son style (cette dame écrit superbement), son érudition, son humour ? Est-ce le fait que je ne pouvais m'empêcher de mettre le visage d’une jeune fille de laquelle j’étais amoureux sur celui de Lily Bart ? Je n'en sais rien, toujours est-il que ce livre respire le bleu, qui est la couleur du bonheur. C’est comme plonger dans une piscine bleue par une belle journée d'été, on prend un bain de rafraîchissement. On s'évade donc. Mais la société décrite par Wharton à beau être frivole et vide de sens, c’est loin d'être le cas de ses romans, car elle nous parle de la vie, des choix de vie, des fausses idoles qui miroitent devant l'œil de l’insensé. Ce livre est une tragédie et à ce titre il fait partie des romans qui comptent pour celui qui le lit. Et en fermant le livre j’imagine Edith Wharton qui me dit : et toi Saule, fais-tu partie des fous qui dansent dans la maison de liesse ?

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