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La Garde blanche, Mikhaïl Boulgakov, 2003-12-17, 4.5 étoiles
Grande et terrible fut l'année 1918...
"GRANDE - grande et terrible - fut cette année-là, mil neuf cent dix-huitième de la naissance du Christ, et seconde depuis le début de la révolution."
C'est avec un talent de conteur formidable que Boulgakov va évoquer ces années de guerre civile en Russie. Comme d'autres l'on fait dans ce genre de roman, il part de l'anecdote pour évoquer des événements dont la grandeur dépasse l'entendement. A travers la vie d'une famille plus particulièrement : les Tourbine. Le frère aîné, Alexis, qui est médecin, le cadet Nikolka et leur sur, la belle Hélène. Ensuite leurs amis, leurs voisins, et quelque autres.
Décembre 1918 : la ville est inquiète. La ville, pour un Ukrainien, c'est Kiev, mère de toutes les villes de Russie. Il fait froid : un froid de loup, inhumain, le Dniepr et la ville fument dans l'air gelé. Les canons tonnent aux abords de la ville mais personne ne comprend le sens de ces canonnades. Est-ce les bolcheviks qui arrivent de Moscou ? Où le terrible Petlioura ? Petlioura : sous ce nom aussi laid qu'effrayant se cache un ancien repris de justice qui déboule sur la ville avec son armée de brutes. Cest la confusion totale : les allemands quittent la ville, l'état-major tsariste abandonne son armée, le mari d'Hélène Tourbine abandonne sa femme. Ce sont des lâches et Boulgakov ne pardonne pas la lâcheté.
"Grande et terrible fut cette année, mil neuf cent dix-huitième de la naissance du Christ. Mais 1919 fut encore plus terrible.". Car en effet Petlioura fuit la ville et les bolcheviks arrivent (les bolchaks disent les Ukrainiens) : la confusion est totale et les gens ne comprennent toujours rien à ce qui leur arrive. Qui répondra de tous ces morts lors du décompte final, le jour du jugement dernier ?
"Mais pourquoi tout cela ? Personne ne peut le dire. Quelqu'un paiera-t-il pour le sang versé ? Non. Personne. Simplement la neige fondra, la verte herbe ukrainienne sortira et flottera comme une chevelure de la terre... les épis splendides mûriront... l'air brûlant vibrera sur les champs, et toute trace de sang aura disparu. Le sang ne coûte pas cher sur les terres rouges, et personne ne le rachètera. Personne."
Répétons-le, Boulgakov est un conteur hors pair. Le style est particulier, il aime les onomatopées par exemple, il n'hésite pas à sintroduire dans les rêves de ses personnages non plus, comme celui de la sentinelle bolchevique qui arpente le quai le long de sa locomotive : Aller - Retour, Aller - Retour, luttant contre le sommeil qui serait fatal avec le froid atroce. On sent une humanité chez cette homme qui aime son pays, ses compatriotes et qui nous transmet cet amour, y compris celui mêlé dune crainte respectueuse pour le terrible hiver russe.
Pour l'anecdote : Boulgakov a tiré une pièce de ce roman, "Les jours des Tourbine", qui a connu un immense succès. Cette pièce est la seule oeuvre de Boulgakov qui n'ait pas été censurée de son vivant. Cela serait dû au fait que Staline l'aimait beaucoup (il l'aurait vue 15 fois) et qu'il se serait dit que puisque les formidables Tourbines qui sont tsaristes n'ont pas pu résister aux bolcheviks, cette pièce avait au moins le mérite de montrer l'invincibilité des bolcheviks !
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